La transition environnementale dans le secteur viticole : entre innovation et pragmatisme

23 Jan 2025 | Écosystème, Actualités

La Maison de la Nature et de l’Environnement de Bordeaux-Aquitaine a récemment accueilli une table ronde passionnante sur le thème « Vin et transition environnementale ». L’événement, organisé avec l’appui des startups de l’Incubateur Bernard Magrez, a réuni experts et entrepreneurs pour échanger sur les défis et innovations dans le secteur viticole face aux enjeux environnementaux.

Un lieu emblématique pour des échanges authentiques

Le choix de la Maison de la Nature et de l’Environnement (MNE) de Bordeaux comme cadre de cet événement n’est pas anodin. Célébrant ses 40 ans d’existence en 2023, la MNE s’est imposée comme un acteur incontournable de l’écosystème environnemental régional. Cette institution remplit trois missions essentielles qui en font un lieu unique pour aborder les enjeux de la transition écologique dans le secteur viticole.

Les animateurs de la table ronde aux profils complémentaires

Transition Environnementale Intervenants Bernard Magrez Start-Up Win

La richesse des échanges a été orchestrée par deux expertes du secteur viticole. Clémentine Chazal, politiste et chercheuse, apporte un regard novateur sur les mobilisations environnementales dans le secteur vitivinicole. Sa thèse, intitulée « Du Cap de Bonne Espérance à la Pointe de Grave : une étude du vin nature et de ses enjeux politiques », examine comment le mouvement des vins nature redéfinit la production vinicole en associant artisanat, écologie et résilience. Son travail de recherche, qui s’étend de Bordeaux jusqu’au Cap-Occidental en Afrique du Sud, révèle comment ces réseaux de vignerons ne se contentent pas de produire du vin différemment, mais portent un véritable projet politique de transformation des pratiques agricoles. Pour Clémentine, le vin nature représente bien plus qu’une simple niche de marché : c’est une opportunité de repenser en profondeur les modes de production et d’organisation de toute une industrie face aux défis climatiques.

À ses côtés, Pénélope Godefroy incarne l’engagement pratique dans la viticulture durable. Forte de vingt ans d’expérience dans la filière viti-vinicole, elle s’est imposée comme une pionnière des pratiques durables, bien avant qu’elles ne deviennent un enjeu majeur du secteur. Son parcours chez Artémis Domaines a été marqué par le pilotage de projets ambitieux de conversion en biodynamie et la mise en œuvre d’une approche environnementale devenue aujourd’hui l’ADN du groupe. Actuellement au Château d’Yquem, elle met son expertise au service de la stratégie RSE, poursuivant sa mission de placer le vivant au cœur des organisations. Son témoignage est particulièrement précieux pour comprendre les défis d’adhésion et les clés de succès dans la mise en œuvre de pratiques innovantes en matière de transition écologique.

Olivier Claverie, porteur de projet accompagné par l’Incubateur Bernard Magrez, complète ce trio d’animation, par sa passion pour les projets de transition environnementale.

Innovations et solutions concrètes par les startups de l’Incubateur Bernard Magrez

Trois porteurs de projets, accompagnés par l’incubateur Bernard Magrez, ont presenté leur solutions innovantes :

Oenoco, représentée par Laura Stelz, réinvente la consigne pour un vin plus durable. Oenoco s’engage à réduire l’empreinte carbone du secteur vitivinicole en ciblant les bouteilles en verre, responsables en moyenne de 40 % des émissions de CO₂ d’un domaine viticole. La startup conçoit des solutions innovantes pour réintroduire la consigne dans le monde du vin, en intervenant sur toute la chaîne de valeur. De la sensibilisation des vignerons à la création d’une gamme de bouteilles en verre réemployables. Oenoco développe également des caisses novatrices, conçues pour optimiser le stockage et réduire les coûts liés à la logistique et au transport. En alliant écologie, innovation et économies, Oenoco redéfinit les standards d’un vin responsable et durable.

STARFISH Bioscience, portée par Sandrine Claus, est spécialisée dans l’innovation et le développement de solutions microbiologiques pour l’agriculture et la viticulture.. L’entreprise propose un service de diagnostic des microbiotes du sol, permettant aux agriculteurs d’évaluer le fonctionnement de cet écosystème dans leurs terres et d’identifier les déséquilibres potentiels. En parallèle, Starfish Bioscience développe des solutions microbiologiques de nouvelle génération basées sur des bactéries « clés de voûte » naturelles, visant à restaurer et régénérer le fonctionnement des écosystèmes microbiens des sols. Ces innovations visent à améliorer la durabilité et la productivité agricole tout en minimisant l’impact environnemental, en s’attaquant notamment aux problèmes de fertilité et de résilience face aux sécheresses.

Vinea Energie, présentée par Romain Guillaument, accompagne la filière viticole dans sa décarbonation avec un service de collecte et de recyclage des pieds de vigne arrachés. En évitant de brûler leurs ceps de vigne à l’air libre, les viticulteurs évitent des émissions de CO2 et de particules fines et contribuent à alimenter le territoire en énergie biomasse. Grâce à sa méthode de compensation carbone, Vinea Énergie permet aux viticulteurs faisant appel à ses services d’être compensés financièrement jusqu’à 90% de la prestation.

Les enseignements clés

Plusieurs points majeurs ressortent des échanges :

  1. L’importance de l’équilibre économique : La transition environnementale ne peut réussir que si elle est économiquement viable. Comme le soulignent les entreprises, sans retour sur investissement, l’innovation peine à se déployer.
  2. L’urgence d’agir : Les sols viticoles, notamment en Champagne, montrent des signes d’appauvrissement inquiétants. Sans action immédiate, les récoltes pourraient être menacées dans les décennies à venir.
  3. Le rôle de la réglementation : La législation, notamment la loi AGEC et les obligations CSRD, joue un rôle d’accélérateur. Cependant, son efficacité dépend de la mise en place de contrôles et de sanctions.
  4. La nécessité d’une approche collective : Les innovations, comme la consigne, ne peuvent réussir qu’avec l’engagement de tous les acteurs de la filière, du producteur au consommateur en passant par les pouvoirs publics.
  5. Le temps long de la transition : L’exemple de la biodynamie montre qu’une transition réussie peut prendre de nombreuses années, nécessitant patience et persévérance.

Vers une écologie incitative

Un consensus se dégage autour de l’urgence d’imaginer des solutions incitatives, permettant à la transition environnementale de s’intégrer pleinement au modèle économique de tous les acteurs de la filière. L’exemple de Cognac, où des primes environnementales sont mises en place, montre la voie. La transparence des données et la valorisation des efforts environnementaux apparaissent comme des leviers essentiels pour accélérer cette transition.

La table ronde a mis en lumière que la transition environnementale dans le secteur viticole est non seulement nécessaire mais possible, à condition d’allier innovation technique, viabilité économique et engagement collectif.

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